jeudi 17 novembre 2011

PLAIDOYER POUR UNE "ÉMIGRATION CHOISIE."

Lorsqu’on a eu la chance de partir à l’étranger et d’y séjourner pendant au moins une année, on a forcément quelque chose à partager avec les « Gens de la Cité » : l’expérience, les difficultés rencontrées et les bénéfices tirés de ce séjour.
C’est dans cette optique de partage d’expérience que je fus invité à une émission radiophonique sur une des radios béninoise, afin que je puisse parler de mon expérience de l’Europe et donner des conseils aux nombreux jeunes africains qui ont la volonté de tenter l’expérience. Je vous livre ici, afin de partager mes conseils avec le plus grand nombre, la substance de mes interventions.
Avant tout propos sur une « émigration choisie », il convient de faire une typologie, c’est-à-dire une catégorisation des jeunes migrants. Il existe plusieurs catégories de jeunes qui partent à l’étranger, notamment en Europe car c’est le cas dont je peux parler parce que je connais bien l’Europe :
1)                           Première catégorie : Jeunes dont les parents financent le voyage et le séjour (une bourse parentale donc). Ils émigrent dans le but de poursuivre leurs études, suivre une formation ou effectuer un stage. Pour qu’ils puissent vivre dans de bonnes conditions, il faut que les parents leur envoient chaque mois 487 euros au moins (soit près de 1600 euros en valeur réelle indexée sur le coût de la vie en Afrique).
2)                           Deuxième catégorie : Jeunes qui partent d’eux-mêmes pour poursuivre leurs études ou tout simplement pour « aller en aventure ». Ils se sont constitués un capital de départ (bourse personnelle) plus ou moins consistant. Dans tous les cas, ce « petit capital » correspond, à peine, au montant nécessaire pour vivre six mois sans rémunération salariale, soit 2.750 euros (soit plus de 9000 euros indexés sur le coût de la VIE). Ces jeunes migrants espèrent trouver un travail dans les six mois pour subvenir à leurs besoins. Leur vie dépend donc d’un aléa. « L’aventure » commence lorsque l’aléa ne se réalise pas ; ils n’ont pas pu décrocher le « fameux boulot » qui devait les sauver avant l’épuisement de leur capital de départ.
3)                           Troisième catégorie : Les « Clandestins ».Ce sont les jeunes qui partent normalement effectuer un court séjour (inférieur à trois mois) pour du tourisme, une visite privée ou pour des échanges sportifs ou culturels. Ces jeunes « refusent » de rentrer au terme du séjour et préfèrent « tenter leur chance » en Europe. Leur titre de séjour expirant, ils deviennent des « sans papiers », donc la proie facile des « marchands de sommeil » et des réseaux mafieux (prostitution, drogue, travail au noir, etc.)
De cette typologie, je peux retenir, avec vous chers amis lecteurs, que pour vouloir émigrer en Europe, il faut avoir un motif (étude, formation, séjour privé…), des revenus et un logement (résidence universitaire, chambre chez l’habitant, studio ou appartement en ville…).
Une fois que ces trois critères cumulatifs (Administratif+Financier+Fiscal) sont satisfaits l’émigration d’un jeune a plus de chance de déboucher sur une réussite.
Beaucoup de jeunes africains après l’émission se sont rapprochés de moi et m’ont rapporté que malgré la satisfaction de ces trois critères cités ci-dessus, l’émigration des jeunes ne débouche pas sur un succès car la société européenne, en général, et la société française, en particulier, est très raciste et que ce racisme frappent spécifiquement les « jeunes africains » (Noirs et Maghrébins).
Je leur réponds, en me basant sur mes observations participantes et sur mon expérience personnelle, qu’il n’y pas de racisme en France, ni en Italie, ni en Allemagne (pour les trois pays que j’ai parcourus).
Il y a juste une sélection très rigoureuse. J’ai mené, dans le cadre d’une recherche en sociologie appliquée, une étude en 2005 à Grenoble ; une étude statistique dont les données révèlent que les immigrés cumulent les difficultés.
Ils sont souvent cantonnés dans des « cités » insalubres ; la promiscuité ne leur permet pas de faire de grandes études. Alors il ne reste que le ménage, le « garçon de courses » (livreur) ou le gardiennage comme travail accessible, avec difficultés.
Il y a, en France notamment, une sélection rigoureuse, et, comme les immigrés sont souvent cantonnés dans les catégories socioprofessionnelles (CSP) inférieures, ils ont l’impression qu’on leur en veut, qu’il y a du racisme à leur égard. Eh bien non !
Je peux en témoigner, moi qui ai réussi à créer une entreprise en France ; et pourtant je suis un Africain comme eux ! Il s’agit en l’occurrence, de convaincre : convaincre les investisseurs (associés) ; convaincre les banques que vous avez la capacité de gérer l’entreprise et de la pérenniser ; convaincre le peuple français que le projet est bien fondé et bénéfique pour la cité ; convaincre les corporations avec ses qualifications. Et enfin obtenir le soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie, sans qui aucun projet de création d’entreprise ne saurait aboutir (formations+conseils+formalités).
Les partenaires professionnels français ne tiennent pas compte de la couleur de la peau, mais plutôt de validité du projet et de sa pertinence, ainsi que de la force de conviction avec laquelle l’entrepreneur présente son projet et de ses atouts et talents pour le concrétiser.
Les immigrants doivent sortir des « communautés » et essayer d’étudier la société française pour apprendre à la connaître et pouvoir s’y intégrer. Là je prends l’exemple français car je le connais mieux que les autres pays. Il faut connaître les caractères de la société.
La société française est basée sur les CSP/PCS (professions et catégories sociales) assez rigides, liées à la profession et à la famille. Il existe une certaine mobilité sociale basée sur les diplômes ou le mariage. Dans cette catégorisation rigide, il n’y a apparemment  pas de place pour les étrangers qui sont « sans classe » ou dans les basses classes (souvent étudiants) à leur arrivée.
Deux éléments leur permettent de trouver une place dans la société française et d’être ainsi « classés » : le mariage ou des études supérieures.  Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’acquisition de la nationalité française qui détermine leur classement dans les CSP. Car avec la nationalité française ils ont enfin accès à un « vrai statut » : ils deviennent enfin des « citoyens » cessant désormais de se mouvoir « entre deux bannières ». Ils ont alors « droit » (avec les devoirs qui vont avec ; donc il faut être un responsable) à un logement décent et à un travail plus valorisant, puisqu’ils sont « qualifiés ».
C’est pour éviter ces difficultés liés à l’intégration des étrangers dans la société française que la nouvelle politique française « immigration choisie » a été lancée par le Président SARKOZY. Cette politique a pour but de : restreindre la part du regroupement familial ; favoriser la migration des jeunes qualifiés ayant un certain profil ; et favoriser leur intégration et l’acquisition de la nationalité, le « but ultime » de toute démarche d’expatriation hors de son territoire de naissance.
Les profils recherchés sont les jeunes qualifiés (informaticiens, techniciens, infirmières, ingénieurs, chercheurs…) et les ouvriers (restauration, bâtiment, services à domicile, aide aux personnes âgées et aux handicapés).
Désormais, l’accueil et l’intégration des étrangers passent par un service unique de l’Etat français : l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Ce n’est plus l’Office des migrations internationales (OMI) comme dans le passé, car maintenant la dimension « intégration » tient beaucoup à cœur au Gouvernement Français ayant pris conscience des nombreux problèmes que rencontrent les « étrangers ». A défaut d’être « carrément » des Français, les étrangers doivent désormais orienter leur « émigration » dans le sens d’un établissement durable sur le territoire français, avec une préférence notable pour la première proposition (acquisition de la nationalité française). Sinon, à quoi bon !
Je pourrais donner comme conseils aux jeunes qui sont tentés par « l’aventure européenne » de déterminer d’abord s’ils rentrent dans ces profils, ou s’ils disposent d’une bourse parentale conséquente. Voici mes conseils. Je dirais aux jeunes de :
Eviter les aléas. Ne pas partir dans l’espoir de trouver un travail ou de rencontrer une française, se marier avec elle pour « avoir les papiers ».
Avoir un vrai projet. Que vais-je faire ? Combien d’années vais-je rester ? Que vais-je faire à la fin de cette planification première ?
Eviter de se cantonner exclusivement à la communauté noire. Il faut s’intégrer à la société française en évitant de reproduire Abidjan-sur-Seine, Dakar-sur-Rhône, Bamako-en-Gironde.
 Aller à la rencontre des Français et de ceux qui ont déjà réussi l’expérience.
Je me dois de rappeler aux jeunes que les étrangers vivent en Europe dans des conditions difficiles mais c’est vraiment très formateur d’avoir fait au moins une fois, cette formidable expérience qu’est le séjour à l’étranger. J’exhorte les jeunes africains à ne pas partir en Europe « chercher leur bonheur » dans l’eldorado français, belge ou allemand. Car le bonheur qu’ils recherchent peut être trouvé en Afrique. S’ils doivent émigrer, partir pour l’Europe, il faudrait que ce soit pour un « motif valable » en ayant en main un projet bien mûri, bien planifié et qu’ils se donnent tous les moyens de le mener à bout. Il faut qu’ils soient vraiment à la hauteur.
En définitive, vous conviendrez avec moi, chers amis lecteurs, que l’eldorado n’est pas forcément ailleurs et que l’on peut créer son bonheur quelque soit l’endroit où l’on se trouve. Cependant, je conseille à ceux qui en ont les moyens, ou ceux qui ont fait leur « choix fondamental », d’aller vivre cette formidable expérience qu’est l’émigration, pour construire leur vie sous d’autres cieux plus accueillants, plus propices à l’épanouissement de leur personnalité.

Par Rock-Maxime YEYE-DELAGARDE site: http://www.etre-leader.fr


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Difficile pour le noir de vivre dans le pays du blanc dirait-on. mais n'est-il pas mieux pour le noir de vivre dans son pays et de travailler à le développer plutôt que de vouloir vivre là où tout est déjà fait presque?